L’œuvre du défunt chanteur Idir a été un vecteur retentissant de l’identité amazighe, dans sa double dimension culturelle et linguistique. Ses chansons ont porté très loin, dans l’espace et dans le temps, une trentaine d’années durant et au rythme de nouvelles sonorités, la voix et la mémoire des siens. Il a réhabilité des textes anciens, puisés du patrimoine culturel amazigh auxquels il a fait franchir les frontières nationales. Idir a « a réalisé une sorte de grand écart entre une tradition musicale ancienne et des instruments modernes » (K. Chachoua). À elle seule, baba inouba pose les fondements de tout un « héritage collectif nouveau » (J. E. Goodman. 2005). En modernisant la chanson kabyle, amazighe et algérienne, Idir a inscrit son œuvre de plain pied dans l’universalité. Au lendemain de son décès, le 2 mai 2020, il « n’est déjà plus un prénom kabyle mais une œuvre d’art » (K. Chachoua).
C’est à cette « œuvre d’art » que le Centre de recherche en langue et culture amazighes (CRLCA), représentée par sa division de recherche « Littérature, arts et patrimoine », et la Faculté des lettres et des langues de l’université de Béjaïa, représentée par le département de Lettres et langue amazighes, ont dédié un colloque national qui a eu lieu du 25 au 27 octobre 2022 à l’auditorium du CRLCA sous l’intitulé de « Idir : au-delà d’une voix, une « œuvre d’art » ». Pour la symbolique de l’immortalité de l’artiste, nous avons choisi de coïncider la date de l’ouverture du colloque avec le jour de l’anniversaire de naissance d’Idir.
36 communicants ont été retenus, sur une quarantaine ayant répondu à l’appel à communication, venus de sept wilayas du pays : Saida, Batna, Blida, Alger, Bouira, Tizi Ouzou et Béjaïa, représentée par le CRLCA et l’université.
Outre une séance inaugurale de témoignages, une trentaine de communications, présentées dans trois langues (tamazight, français et anglais), ont fait le menu du colloque, réparti sur huit sessions thématiques (« Baba Inouba : études multidisciplinaires », « Tradition orale et renouvellement », « Expressions d’engagement », « Passerelles et représentations », « Universalité et altérité », « Approche didactique », et « Tasnilest d testedt n yinaw »). L’œuvre d’Idir a été soumise à une analyse pluridisciplinaire impliquant, entre autres, la musicologie, la linguistique, la sémiotique, la didactique, l’analyse du discours, la littérature, la sociolinguistique, la sémiolinguistique et la socio-didactique.
Outre de contribuer à enrichir la recherche scientifique dans le domaine des arts, le colloque a eu pour objectif fondamental de considérer l’œuvre artistique d’Idir comme objet scientifique à soumettre à réflexion.
Les travaux du colloque ont été sanctionnés par des recommandations issues des huit sessions de communications :
- Introduire les chansons d’Idir dans les manuels scolaires et utiliser son œuvre comme outil didactique dans l’apprentissage de la langue amazighe afin de développer la motivation chez les apprenants et les compétences orales et écrites chez les étudiants.
- Encourager la recherche scientifique sur l’œuvre d’Idir et les œuvres musicales et poétiques de chanteurs amazighs.
- Accorder de l’importance à la performance sur scène chez Idir, comme un autre niveau de création qui s’ajoute aux autres niveaux, c’est-à-dire ceux reliant le texte à la musique et la composition musicale ou poétique et textuelle.
- Encourager le recueil et l’enregistrement de témoignages sur la vie et l’œuvre d’Idir ainsi que sur d’autres chanteurs et artistes-icônes de la scène musicale et artistique amazighe.
- Constituer une médiathèque, un mini-musée, au sein du CRLCA qui recueillera et conservera toutes les archives écrites et audiovisuelles se rapportant à la chanson et la musique amazighes.
- Baptiser un établissement public culturel d’importance au nom d’Idir.
- Organiser un colloque international sur Idir et son œuvre.