Colloque national
Théâtre amazigh et adaptation : pratiques et enjeux identitaires
CRLCA, 13-14 octobre 2024
Il est courant que l’on désigne l’un des types de rapport entre un genre littéraire et un autre, ou, globalement, entre la littérature et un art quelconque, par le concept d’« adaptation », courant dans le monde du théâtre et particulièrement dans celui du cinéma. Pour dépasser le rapport exclusif que suppose ce concept à la question de fidélité/infidélité au texte d’origine, voire à sa trahison, des théoriciens ont suggéré de le substituer par celui de « transécriture » (Gardiès, 1998) qui traduit mieux le dialogue des écritures et suggère un processus producteur de sens. Pour traiter de cette transécriture dans la sphère théâtrale, nous proposons de le faire dans le cadre d’un colloque national avec focalisation sur le passage du théâtre universel, ou de tout autre source littéraire ou artistique, vers le théâtre amazigh.
Ce colloque s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche en cours au CRLCA sur la transécriture dans et entre la littérature et les arts amazighs et sera organisé dans le cadre du festival international du théâtre de Bejaia. Il se propose d’aborder les espaces de dialogue du théâtre amazigh, ancien et moderne, adapté du théâtre universel, ou de tout autre hypotexte, et ce à travers ses textes et ses représentations dans les diverses variantes de la langue amazighe, pièces issues des différents théâtres régionaux du pays et d’associations culturelles. Il s’agit précisément de voir à quel point le passage d’une écriture à une autre permet de prendre en charge l’identité amazighe à travers les éléments qui incluent l’être humain, l’espace, les croyances, les comportements (qui apparaissent à travers la scénographie), et toute la matière culturelle amazighe. Le rapport entre le texte adapté et le texte adaptant est à analyser à travers l’intersection de nombreux thèmes et significations qui s’inscrivent dans deux structures sociales culturellement différentes et géographiquement éloignées. Cette différence est ce qui fait de l’adaptation l’élément fondateur dans ce colloque. L’accent est aussi à mettre sur la manière dont l’impact se produit sur le destinataire particulier de la pièce adaptée et qui appartient au même groupe linguistique, ethnologique et social.
Aussi, la réflexion ne manquera pas de permettre d’apprendre davantage sur les origines oubliées ou peu connues du théâtre d’auteurs d’origine amazighs, qui a influencé ou qui a été lui-même influencé par le théâtre universel, à travers le processus d’adaptation.
Il convient de noter que l’adaptation – comme l’indiquent de nombreux dictionnaires spécialisés – est le processus de transfert ou de transformation d’une œuvre littéraire d’un type à un autre (du roman au théâtre, par exemple). Ce processus est également proche du sens de dramatisation, fondé sur des contenus narratifs, plus ou moins fidèles, avec parfois de grandes différences, et une structure qui subit une transformation radicale, notamment du fait du passage à une tout autre forme scénique déclarée (énonciation). C’est ainsi que, par exemple, un roman est adapté au théâtre ou à l’écran. Par ce processus de transformation sémiotique, le roman se transforme en dialogues (souvent différents de l’original), notamment en actions théâtrales, et tous les outils et éléments de la présentation théâtrale sont utilisés (mouvements, images, musique…) (Parvis, 2009 : 69-70).
La problématique posée dans le cadre de ce colloque se situe autour des principales questions suivantes:
- Comment les textes adaptés (« transécrits ») reflètent-ils l’identité amazighe ?
- Parce que le processus est mené en langue amazighe et que ce qui en résulte est destiné à un public spécifique, quelle est la méthode qui a permis au traducteur, à l’adaptateur du texte ou au metteur en scène du spectacle d’adopter des mécanismes qui provoquent un impact sur les destinataires ?
- La transécriture/adaptation sert-elle à promouvoir la langue amazighe et à l’adapter aux réalités de la scène mondiale ?
Ce colloque vise à interroger quelques productions théâtrales d’expression amazighe qui reflètent la pratique de l’adaptation à partir du théâtre universel, lequel théâtre est souvent en rapport avec l’identité culturelle amazighe. Il n’y a pas meilleure exemple que le dramaturge Terence Afer (198 avant JC – 159 avant JC) qui fut l’un des premiers au monde à pratiquer l’adaptation dans le théâtre lorsqu’il s’installa en Grèce en 160 avant JC, où il transféra des textes du théâtre romain et les réécrit en grec, transmettant à travers eux l’identité culturelle du pays dans lequel il a grandi (Rome). De même, nous pouvons citer Mohya qui n’a cessé, tout au long de sa vie, de parcourir le répertoire du théâtre universel (Molière, Bertolt Brecht, Jean-Paul Sartre, Luigi Pirandello…) à la recherche des œuvres dramatiques les plus détaillées pour les mettre à la portée du public amazigh dans sa langue, qu’il appelait tafelaḥit. Au-delà de la langue, son intérêt particulier pour le développement de l’intrigue dramatique et son habileté à décrire ses personnages, qu’il rendait authentiques et aimables, ont rendu ses adaptations grandes et fondatrices de travaux théâtraux d’expression kabyle. Ces travaux sont les produits d’accumulations de temps et d’époques historiques successives et reflètent véritablement les aspects de la vie sociale et ce qu’ils suscitent comme sentiments et pensées dans l’âme et la conscience humaine, et qui évoluent avec les atmosphères et climats civilisationnels de chaque environnement.
Les chercheurs, dans la langue et la littérature amazighes et l’art théâtral, et professionnels du théâtre, sont invités à interroger, dans le cadre de ce colloque, la place de l’identité culturelle amazighe dans le processus de transécriture/adaptation dans les productions théâtrales amazighes en lien avec, notamment, le théâtre universel, mais aussi avec tout autre texte source.
- Interroger le théâtre d’expression amazighe issu de la transécriture/adaptation comme vecteur de l’identité nationale.
- Explorer les aspects de l’évolution des textes théâtraux d’expression amazighe adaptés.
- Montrer la dimension créative de l’adaptation, considérée comme une diversité dans les méthodes de l’écriture créative et non comme plagiat.
- Chercher les possibilités d’adaptation dans le théâtre amazigh sans l’abandon de la spécificité identitaire.
- L’adaptation dans le théâtre amazigh : origines et évolution. Présenter les résultats des plus importantes recherches scientifiques sur la transécriture/adaptation dans le théâtre amazigh et proposer de nouvelles dimensions pour la recherche dans le domaine, en mettant l’accent sur la spécificité amazighe pour permettre une vision particulière spécifique au théâtre amazigh en Algérie.
- Précisions conceptuelles : Adaptation, transécriture, appropriation, traduction…
- Approche de modèles théâtraux à spécificité amazighe, adaptés du théâtre universel (Mohya…) ;
- Approche du discours théâtral amazigh adapté à la lumière des approches linguistiques modernes (pragmatique, sémiotique…) ;
- Mécanismes d’adaptation des textes théâtraux amazighs à partir du théâtre universel (modèles sélectionnés) ;
- Transécriture/adaptation et identité culturelle amazighe.
- L’adaptation dans le théâtre amazigh : origines et évolution.
- Ait Ahmed, M. (2013). Masques berbères et théâtre maghrébin. L’Harmattan.
- Fragonara, A. (2016). La pratique de l’adaptation : Approches sémio-linguistique et cognitive. Thèse de doctorat. Sous la direction de André Petitjean. Université de Lorraine.
- Gaudreault, A., & Marion, P. (1998). Transécriture et médiatique narrative : l’enjeu de l’intermédialité. Dans A., Gaudreault et T. Groensteen (dirs.). La transécriture pour une théorie de l’adaptation. Nota Bene.
- Lefebvre, P., & Ostiguy, P. (1978). L’adaptation théâtrale au Québec. Jeu, (9), pp. 32–47.
- Pavis, P. (2009). Dictionnaire du théâtre, (F. Michel Khettar, Trad.), Bibliothèque El Fikr El Djadid.
- Ricœur, P. (2004). Sur la traduction. Bayard.
- La date limite de réception des résumés : 05 juillet 2024.
- Notification d’acceptation : au plus tard le 10 juillet 2024.
- Les communicants retenus devront envoyer la version publiable de leurs articles : avant le 15 septembre 2024.
- Date de confirmation de la programmation : 20 septembre 2024.
- Dates de la tenue du colloque : 13 et 14 octobre 2024.
- Les propositions de communication sont à envoyer à colloquetheatre2@crlca.dz
- La proposition est à faire sous forme d’un résumé d’une page et doit indiquer obligatoirement:
- Le titre de la communication ;
- L’axe de la recherche ;
- la question de la recherche;
- Les choix méthodologique et théorique ;
- La problématique et l’hypothèse ;
- Cinq mots clés;
- Une bibliographie indicative (4 ou 5 références).
- L’auteur de la proposition doit s’identifier en indiquant les renseignements suivants :
- Nom et prénom ;
- Grade ;
- Affiliation institutionnelle ;
- Adresse électronique et n° de téléphone.
- Et son adresse électronique.
- Chaque communication doit s’inscrire dans l’un des axes du colloque.
- Le nombre de participants par communication est limité à deux personnes, cependant l’hébergement ne sera assuré que pour une seule personne.
- Les communications peuvent être présentées en tamazight, arabe, français ou anglais.
- L’hébergement sera assuré pour les participants hors wilaya de Béjaïa.
- Les actes du colloque seront publiés.
- Les articles doivent être inédits et rédigés dans un langage académique, selon la feuille de style et les normes de référencement (APA, 7e édition) de la revue du CRLCA (voir site web du CRLCA).
- Dr. HAMBLI Asma
- Dr. MEDJEDOUB Kamal